Florent – une archéologie

À une époque où tant de gens sont fiers de leur haine, il me fera du bien de me souvenir de cette rencontre lointaine: Florent et Norbert, un accord audacieux au sens musical du terme et, pour moi, une affaire de cœur incisive que je suis malgré tout heureux d’avoir vécu.

D’ordinaire, une telle rencontre – la naissance soudaine d’une amitié qui s’éteint quelques semaines plus tard sans vraiment être terminée par quelqu’un – appartient à la sphère privée des deux personnes impliquées. Mais à mesure que la distance historique s’accroît, l’épisode se transforme en une sorte de littérature latente qui attend d’être écrite. Voilà ce qui se passe ici ; le souvenir, qui a eu le temps de fermenter pendant quarante ans, prend la forme d’une écriture jouissive.

J’ai rédigé mon récit en solidarité morale avec les deux personnes que nous étions à l’âge de dix-huit ans. Néanmoins, le texte sera une célébration à la fois sérieuse et ironique : il célèbre Florent, qu’il soit réel ou imaginaire ; il célèbre le souvenir et ses détails éphémères, il célèbre les mots et les phrases, il célèbre le bonheur, les sentiments clairs et sombres, la douleur, le traumatisme, les conséquences et les bénéfices qui en ont découlé. Tout cela est intentionnel. J’ai eu le temps d’y réfléchir.

Une petite remarque sur les illustrations: Il existe dans mes archives deux photos de Florent, prises l’après-midi du 29 décembre 1985 sous le Pont des Arts (côté Quai de Conti) et le matin du 4 janvier 1986 dans une rame de la ligne A du RER. Ces deux photos ne sont pas présentées ici pour des raisons juridiques. Si maintenant il semble que dans un texte sur Florent, je n’ai toujours présenté que moi-même dans les images, c’est certes une observation pertinente, mais la raison en est justement qu’il était plus facile d’obtenir de moi-même que de lui l’accord nécessaire à la publication.

Actuellement, le texte est en cours de révision afin de produire une version plus courte.

 

Premier chapitre

L’arrivée. Le frère. La guitare.

Le 26 décembre 1985, je descends du train à Paris Gare du Nord pour passer les vacances à Sucy-en-Brie, dans la famille de mon nouveau correspondant français. Cet échange a été arrangé individuellement par un professeur de mon lycée, il n’y a pas de jumelage d’écoles. J’ai alors dix-huit ans, mon correspondant Serge [nom remplacé] en a quinze.

Ce qui se passe entre mon corres et moi au cours des semaines suivantes, pendant mon séjour à Paris et pendant son séjour en Allemagne en février 1986, peut être décrit de différentes manières, et je préférerais même renoncer à une telle description. La dynamique précaire de ce rapport culmine en tout cas en février avec un esclandre théâtral qui, vu d’aujourd’hui, semble aussi superflu qu’il semblait inévitable à l’époque. Mais déjà au début de notre échange en décembre, on ne nous fait pas de tort en constatant que nous n’avons pas grand-chose à échanger. Notre communication reste mince et forcée, et sans doute nous en voyons les raisons chez l’autre.

Mon corres a un frère ainé, âgé de dix-huit ans, qui n’est pas à la maison ce jour-là et n’est peut-être même pas au courant de mon arrivée. On me dit qu’il mène une vie instable et qu’il soit une sorte d’anarchiste – c’est à peu près tout ce que j’apprends sur lui le premier jour. Mon journal le désignera lors de la première rencontre comme « ce Florent, comme il doit s’appeler ».

Je remarque en passant qu’il y a une guitare dans sa chambre. Évidemment, je n’ai pas emporté de partitions pour ce voyage, mais il y a un petit répertoire classique, surtout Frescobaldi et Sor, que je joue par cœur. Florent, me dit-on, ne va certainement pas s’opposer à ce que je lui emprunte son instrument. Et cette guitare, cette musique, va jouer un rôle important dans la suite des événements.

Norbert (en été 1984, Le Bec-Hellouin)

 

Deuxième chapitre

La solitude. Le journal. La France.

Ce n’est pas la première fois que je viens en France, ce n’est pas mon premier échange. Pour mieux comprendre ce qui suit, il convient de se remémorer en bref mes dispositions psychosociales durant cette période. J’ai grandi dans la province allemande, dans une famille d’enseignants, et comme mes parents enseignent dans mon lycée, je mène ma vie pour ainsi dire dans un cadre trop bien défini. Mes compétences intellectuelles sont toujours bien en avance sur mes capacités sociales. Je me sens parfois seul, isolé, et lorsque je réfléchis dans cette période à la cause principale de cette solitude, plusieurs candidats entrent en ligne de compte : mon environnement provincial, mes défauts de caractère, mon orientation sexuelle soigneusement dissimulée, mes ambitions philosophiques et littéraires qui apparaissent à l’extérieur comme une arrogance intellectuelle volontairement entretenue.

Mon journal est très détaillé durant ces années et me servira de source pour mon récit. Pendant les treize jours que je passe à Sucy-en-Brie, j’écris vingt-huit pages, et la durée totale de l’affaire Florent s’étend dans le journal à plus de cent pages jusqu’en mai 1986. Cette abondance de détails et cette intensité de la réflexion écrite sont séduisantes. En relisant le journal plus tard, même près de quarante ans après, je me perds dans la présence des événements et des sensations de l’époque. Des images souvenirs supplémentaires surgissent, un film se forme où l’on parle beaucoup, où l’on boit du thé et où l’on joue de la guitare, donc un film dans le style d’Éric Rohmer.

Je suis extrêmement francophile à cette époque. J’aime la langue : sa douceur, sa souplesse, son élégance, sa musicalité. J’aime la découpe des visages, l’expressivité, la façon de bouger, de parler et de se tourner vers quelqu’un. J’aime aussi le fromage que l’on y mange et le pain si différent de la ouate que l’on vend en Allemagne jusqu’à nos jours sous le nom de pain blanc.

Bref, j’aime tout, sauf peut-être un certain manque de fiabilité qui, selon le cliché, va de pair avec l’esprit de la culture française. Mais au fond, j’aime aussi ce manque, car il apparaît comme une expression de liberté. Ainsi, il y a une sorte de pré-érotisation des contacts humains. Quelque part dans ce pays, dans cette culture idéalisée, se trouvent les ressources spirituelles qui me permettront de me libérer, avec plus de précaution que de violence, de mon existence un peu trop rectangulaire. Et si un jour ces ressources se sentent à l’aise pour s’incarner dans un être masculin de mon âge, je tomberai amoureux. Immédiatement, sans hésitation, sans regret.

 

Troisième chapitre

L’anarchiste et le Petit Prince

« L’anarchiste a tenu sa visite inaugurale chez moi tout à l’heure (un peu avant huit heures) pour chercher un mouchoir dans l’armoire. » (Journal du 27 décembre 1985, le matin; traduction littérale)

C’est vendredi, et Florent va aller travailler ; il est employé quelque part à Sucy comme animateur dans une école maternelle. Il est fort enrhumé ce jour-là, et l’armoire dans laquelle il pense trouver les mouchoirs se trouve justement dans la chambre où je dors maintenant. On peut supposer qu’il ne s’attendait pas à me voir. Lorsqu’il entre, nous échangeons un «bonjour» sans présentation, puis je le regarde fouiller dans l’armoire pendant que je reste allongé dans mon lit. Et puisque je suis ici pour communiquer et améliorer mon français, je lui demande au bout d’un moment : «Tu cherches quoi ?» Il se tourne vers le lit et me renseigne qu’il cherche un mouchoir. Et comme il n’a pas réussi jusqu’à présent, je lui propose alors mes «mouchoirs de papier», qui s’appellent en fait «kleenex» en français. Il les prend, me remercie probablement et se met en route.

Mais il y a encore une autre version de cette histoire. Florent la raconte quelques jours plus tard, en ma présence, lors d’une réunion avec des amis. Il aurait en effet vu ma grosse tête aux cheveux blonds désordonnés dans le lit et aurait associé cette vision aux illustrations du « Petit Prince ». Et puis, vu sa santé fragile, il se serait demandé pour un instant s’il est une bonne idée d’aller travailler quand on hallucine de rencontrer le petit prince à la maison : « Laisse tomber, Florent, tu délires ».
«Toutefois, il est vrai», ajoute-t-il à son récit, «que Norbert est d’une certaine manière une version agrandie du petit prince.»

En effet, ma coiffure pouvait susciter de telles associations, et je regarde avec un certain étonnement les images qui en existent.

En Bretagne, vers le 20 mars 1986

 

Quatrième chapitre

« Le bonheur – c’est quoi pour toi? »

Ce vendredi-là, Florent rentre à la maison vers midi. Pendant le repas, je suis témoin de l’atmosphère conflictuelle entre lui et ses parents, mais mon journal ne m’apprend rien sur les contenus de ce conflit. En plus, il doit y avoir eu une scène de présentation explicite entre Florent et moi, mais je ne m’en souviens pas.
L’après-midi, je suis en route avec Serge pour aller voir un copain, puis la soirée se passe à la maison devant la télévision. A ce moment-là, je suis probablement encore en train de m’arranger avec mon correspondant, et Florent n’est qu’un autre membre de cette famille, que je rencontre lorsqu’on mange ensemble.

Cela changera le lendemain matin. Je cite le journal du 28 décembre:
« J’étais à peine habillé que Florent m’a invité à passer dans sa chambre. Il est très amical avec moi, curieux, pour ainsi dire. Cela me plaît bien sûr. Je lui ai joué plusieurs morceaux sur la guitare et nous avons discuté un peu. […] Malheureusement, à sa question  ‹Le bonheur – c’est quoi pour toi?› je n’ai pas pu lui donner une réponse spontanée. En tout cas, il m’est de plus en plus sympathique. »

La musique que j’ai joué ce jour-là et que je jouera souvent dans les jours qui viennent est celle-ci:
Girolamo Frescobaldi: Aria detta la Frescobalda

Dans le langage émotionnel discret de mon journal, la phrase « Il est très amical avec moi, curieux, pour ainsi dire » indique déjà un certain ébranlement. Car cette attention amicale, cette curiosité insistante pour ce qui est important pour moi (la musique contemplative, la philosophie, l’écriture), apparaît comme une attaque rédemptrice contre le système de ma solitude.

Mon souvenir de la scène concrète de cette invitation initiale est d’ailleurs assez précis : Florent apparait dans la porte et me demande – regard chaleureux et encourageant, corps vivant en mouvement avec cette grâce inconsciente des dix-huit ans – si j’ai envie de passer dans sa chambre. Cela se passe avec une légèreté et une franchise que je ne connais pas. Je serais trop timide pour agir ainsi. Certes, je suis capable de réagir de manière adéquate, donc je réponds à son regard et j’accepte l’invitation sans hésiter. Mais l’initiative elle-même ne fait pas partie de mon répertoire. À ce stade, c’est Florent qui agit.

 

Cinquième chapitre

La Tour Eiffel et la chimie des transmetteurs

L’après-midi du même jour, je vais à Paris avec mon corres et nous montons à pied jusqu’au premier étage de la Tour Eiffel. Dans le journal, cela apparaît comme une sorte de programme touristique obligatoire que j’ai envie de faire. Dès la gare RER de Sucy, nous rencontrons, par hasard et successivement, plusieurs copains de Serge, et mon français est suffisamment bon pour comprendre de leur conversation que Serge n’a pas vraiment envie de m’accompagner. La photo ci-dessous date effectivement de cette ascension à la Tour Eiffel, l’après-midi du 28 décembre 1985.

Le soir, le journal note une rencontre à quatre dans la chambre de Florent, avec Serge et quelqu’un d’autre, le « meilleur ami » de Florent. Vers la fin, je joue à nouveau de la guitare, mais « pour des raisons atmosphériques quelconques », dit le journal, « personne ne pouvait écouter sérieusement après que Serge avait commencé à rire une fois ». En fait, ce n’est pas la guitare qui fait l’atmosphère, mais les substances fumées. Je n’y comprends rien parce que je n’ai jamais fumé jusque-là, même pas de cigarettes ordinaires, puis aussi je n’ai pas d’odorat. Le cannabis est complètement nouveau pour moi. Après deux jours, je commenterai ce sujet ainsi: « Ce que j’aurais trouvé horrifiant auparavant est rapidement remis en perspective ici. » Mais pour ma part, je continue à m’abstenir, bien entendu.
Florent dira, quelques jours plus tard, qu’il m’empêcherais de l’essayer; car à la suite d’un moment humoristique que j’ai produit un soir dans une ambiance détendue, il a l’impression que je réagis de manière sensitive même à la faible quantité de drogue présente dans l’air.

Quant à ma routine quotidienne et mon programme touristique, je m’habituerai à me déplacer tout seul ; « pour Serge, cela doit être un énorme soulagement », je note. Ceci sera la structure naturelle des jours qui viennent: journée à Paris; soirée à Sucy (soit à la maison, soit dans un café) avec des amis de Florent et Serge en constellations diverses.

 

Sixième chapitre

« Conversation d’une profondeur inattendue »

Le dimanche suivant (29 décembre 1985) offre pour ainsi dire une esquisse théâtrale des conflits intrafamiliaux dans lesquels je m’enlise malgré moi.
La mère a promis de m’accompagner à Paris l’après-midi. Mais lors du repas à midi, il se passe quelque chose d’inattendu : Florent déclare très énergiquement qu’il m’accompagnera à leur place. Les parents ne sont pas d’accord et une dispute s’ensuit. Finalement, on me demande de décider moi-même qui je préfère comme accompagnateur. Je me souviens encore assez clairement de l’embarras de cette situation. Le style de l’intervention de Florent me paraît « brutal et impertinent » (ce sont les deux mots que j’utilise dans le journal), mais il n’en reste pas moins que je préférerais aller à Paris avec lui plutôt qu’avec sa mère. Et comme une solution diplomatique ne me vient pas à l’esprit à ce moment-là, je me décide en effet pour Florent après une courte hésitation.

Le programme touristique de cet après-midi se compose de deux étapes : le Louvre et Notre-Dame, entrecoupées d’une promenade sur les bords de la Seine. Au Louvre, nous nous limitons à la galerie des peintures.

Au musée, l’après-midi du 29 décembre 1985

Plus tard, nous allons dans un café près de Notre-Dame. « Conversation d’une profondeur inattendue », dit le journal. Nous parlons du choc que l’on subit lorsqu’on est soudainement transféré de la province de Westphalie dans un milieu métropolitain. J’utilise le sujet de conversation pour faire une déclaration d’affection plus ou moins camouflée. Je parle donc de l’ambiance ouverte entre les jeunes, puis de mon étonnement de voir Florent faire des efforts pour moi avec autant d’insistance. Dans le journal, j’écris : «Que je l’aime bien, je le lui ai dit plus ou moins explicitement».

Florent s’explique : On voit dans le regard de quelqu’un et dans sa façon de parler si on a quelque chose à échanger avec lui. Voilà pourquoi il s’est rapproché de moi. Florent ajoutera plus tard que c’était lorsqu’il m’a entendu jouer de la guitare pour la première fois qu’il a décidé de faire connaissance avec moi.

Et quand même, toute cette « attaque » amicale reste en quelque sorte une énigme, malgré cette explication abstraite que Florent m’a donné. Je ne suis pas « cool » ni amusant et il n’est pas évident qu’un personnage florentin aurait quelque chose à échanger avec moi.

Si l’on prend le Petit Prince au sérieux comme une référence littéraire déjà introduite par Florent dans les événements réels, on tombera peut-être sur le chapitre XXI, avec son dialogue entre le petit prince et le renard. C’est un dialogue sur l’amitié et ce qu’il faut pour créer un lien entre deux personnes differentes.


« Si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. […] On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! »


Pour Florent, je ressemble au Petit Prince dessiné. En revanche, le texte semble commenter les événements réels. Et dans ce contexte, le chapitre XXI se lit comme un rêve étrange dans lequel on tente d’expliquer (en inversant toutefois les rôles) ce qui s’est passé et ce qui aurait pu se passer. Finalement, il ne restera que « la couleur du blé » , une mémoire indirecte et latente d’un ami disparu.

 

Septième chapitre

« À quoi tu penses ? »

Des rencontres avec des amis le soir, des entretiens à deux le matin, une promenade dans la neige fondante : le journal relate dans les jours qui suivent une culture d’intensité amicale, mais tout n’a pas été réellement écrit. Je me souviens que lorsque nous étions à deux, en silence, Florent me regardait parfois et me demandait : « À quoi tu penses ? » Et aujourd’hui, cette question presque intime me paraît comme l’expression la plus pure de son attention.

Je me souviens aussi de la nuit du Nouvel An. Le soir, nous sommes à une fête chez un ami de Serge, mais vers onze heures, je pars avec Florent ; nous sommes brièvement à la maison, pas plus d’une demi-heure, avant de retrouver d’autres amis. Et pendant ces vingt minutes, on fait un thé rapide dans la cuisine, une scène que je revois parfaitement: Lumière un peu tamisée ; et puisqu’on n’a pas beaucoup de temps, je fais cela de manière quasi automatique et lui pose son bol avec un sachet pendant qu’il est assis à table. Il semble légèrement amusé et quand je le regarde, il dit doucement, en souriant: « Tu me sers ». En fait, j’ai justement la routine nécessaire qui me permet de le servir chez lui, comme une inversion des rôles d’invité et d’hôte, ou bien, pour moi, comme une routine de ménage à deux. Et si j’ai gardé ce souvenir sans l’avoir écrit dans mon journal, c’est simplement parce que j’ai dû réfléchir pourquoi il a dit cela: « Tu me sers ». En effet, ce n’est pas comme si nous nous étions compris à tout moment sans réfléchir.

L’autre moitié de cette nuit se passe chez des amis de Florent que je trouve agréables. Ils fument leurs joints et, bien sûr, je dois à nouveau jouer de la guitare. « Cela est inévitable », écris-je quelques jours plus tard dans le journal, « puisque toutes les connaissances et amis de Florent semblent posséder un tel instrument et Florent insiste généralement pour que je joue quelque chose. »
Vers quatre heures du matin, on se couche. On me donne un sac de couchage dont le propriétaire me dit: « Ne t’inquiète pas. Tu vas mourir de chaleur. » Florent s’oppose à cette façon de parler : « Mais tu ne peux pas dire ça ainsi ; on ne peut pas bien comprendre cette expression quand on n’est pas de langue maternelle ». Cette discussion également ne se trouve pas dans le journal, mais je m’en souviens, soit parce qu’il s’agissait d’un problème linguistique étrange (la fonction de l’exagération dans les sociolectes et les langues nationales), soit parce que l’intervention de Florent m’a touché comme un surplus de soin amical.

Sacré-Cœur, le matin du 30 décembre 1985

 

Huitième chapitre

La chaleur et d’autres soucis

La chaleur. Je ne vais pas en mourir. Ma relation avec Florent est chaleureuse, mais il s’agit là d’un érotisme sans désir sexuel au sens strict. Pourtant, le corps vivant joue un rôle, sa présence pourrait provoquer un frisson, je me sens à l’aise quand il est là, à côté de moi, en face de moi. Et il me manque, quand il n’est pas là. En ce sens, je suis sur le point de tomber amoureux.

Le 3 janvier, j’ai, malgré mon programme touristique, le temps d’écrire une longue entrée de journal. J’en cite un passage signifiant:
« Je ne l’ai pas croisé ce matin, ni ce soir. Je ressens de l’inquiétude. Je passe quelque temps dans sa chambre ; pas seulement à cause de la guitare et du magnétophone, car ce sont tout au plus des prétextes ; mais parce que c’est sa chambre à lui, qui porte si clairement ses traits.
Je voudrais qu’il m’accompagne demain à Paris. Mais il se peut bien qu’il ait d’autres soucis. »

Les « autres soucis » qu’il pourrait avoir portent un nom feminin, puisqu’il existe tout de même des femmes dans l’univers florentino-norbertin.  Pour Florent, c’est une relation compliquée et douloureuse, et il en parle à son « meilleur ami » et moi le soir du 2 janvier. J’avoue ou plutôt je déclare dans ce trialogue que je n’ai aucune, vraiment aucune expérience de ces choses amoureuses et relationnelles. « Ne serais-je pas la dernière personne à pouvoir lui donner des conseils ? », écris-je dans le journal. Mais en vérité, c’était justement là le moment où j’aurais pu dépasser les limites de ma propre perspective et de me tourner plus résolument vers sa vie réelle, même si cela m’aurait demandé des efforts.

 

Neuvième chapitre

« Je me sens concerné »

Ce qui m’étonne aujourd’hui en le relisant est que Florent était capable de s’occuper des deux affaires en même temps: sa relation amoureuse et les exigences de notre amitié.

Voilà le 4 janvier 1986:

Je réveille Florent le matin vers neuf heures et lui demande s’il a envie de m’accompagner à Paris. Il est d’accord. Je ne sais pas à ce moment-là qu’il ne s’est couché qu’à cinq heures.
Nous faisons une courte promenade à Montparnasse, mais nous entrons bientôt dans un café. Là, à un moment donné, la conversation se tourne vers le sujet de notre propre écriture, sujet qui est important pour chacun de nous deux. Je parle de mon projet de roman et évoque la relation homosexuelle entre mes deux personnages principaux.
Il est assez clair que j’ai délibérément franchi cette limite. Je n’ai pas prévu de parler du roman, mais quand le sujet est là, je saisis l’occasion.
Florent me demande alors si j’y traite l’homosexualité uniquement comme un sujet littéraire ou si je me sens concerné.
Et je réponds : « Je me sens concerné ». C’est ce qui a été dit littéralement, et j’aime me rappeler cette formulation, la sienne que je reprends pour répondre.
Pour Florent, l’homosexualité est simplement une autre façon de vivre. Nous discutons longuement des raisons pour lesquelles je cache cela à mon entourage dans la province allemande, de la manière dont j’arrive actuellement à vivre avec et du rôle que joue l’écriture dans la gestion de cette situation. Et nous parlons aussi de mon avenir. Florent, dit le journal, me souhaite la force de vivre ma sexualité contre la répression, « parce que je ne veux pas te voir malheureux ».

Ceci est la première fois dans ma vie que je parle avec quelqu’un de mon homosexualité. Et encore aujourd’hui, je suis content et fier que c’est Florent qui a pris ce rôle d’être le premier à qui je parle. C’est lui qui méritait ma confiance.

Après cette conversation, nous allons à midi chez un ami de Florent, qui jouera un rôle vers la fin de mon récit. Il est surveillant dans un lycée pas trop loin de Sucy. Nous mangeons à cinq et la conversation tourne autour de l’affaire amoureuse de Florent. Voici ce que j’ai écrit dans mon journal (entrée du lendemain, 5 janvier 1986) :
« Surpris de voir Florent pleurer, surpris et un peu ému. Que je le lui reproche n’est pas vrai: lorsque nous en avons parlé hier soir, il m’a dit qu’il avait cette impression. Je suis simplement étonné de la rapidité de ses changements d’humeur : D’abord nous parlons très sérieusement et exclusivement de mon homosexualité à moi, et à peine une demi-heure plus tard, il retombe dans cet état d’esprit d’absence endeuillée ».

Je suis « un peu ému ». La vérité derrière cette expression est que je suis ému et que je ne sais pas comment l’exprimer ni quoi en faire. Alors je le regarde et il se peut que ce soit un regard noir.

Il va de soi que jamais de ma vie je ne reprocherais à quelqu’un d’exprimer sa douleur. Ou peut-être que cela ne va pas de soi. Florent a en tout cas eu l’impression qu’il y avait un reproche dans mon regard. Ainsi, cette scène est émouvante dans un double sens. Car elle indique au passage que notre très courte amitié n’était pas fondée sur une compréhension immédiate, une unanimité naturelle, mais plutôt sur la perception d’une altérité et sur la curiosité qui en découle. « Tu m’as intrigué » : J’imagine que c’est de la part de Florent que j’ai entendu cette phrase pour la première fois. Nous avons été très attentifs l’un à l’autre, pour ces quelques jours, et nous nous avons pris mutuellement très au sérieux. Voilà ce qui était « le bonheur pour moi » à cet instant. Et d’autant plus il m’a manqué par la suite.

 

Dixième chapitre

« tant d’efforts pour ce Florent »

Au petit matin du 6 janvier, Florent part ; il accompagne un groupe d’enfants dans les Alpes. Quant à moi, je reste encore deux jours sans lui à Sucy, je vais à l’école avec Serge le même jour et je fais un dernier tour à Paris le 7 janvier. L’absence de Florent, écris-je, « me pèse tellement sur le cœur que je suis content de pouvoir partir ».

Il y a quelques projets de voyage qui forment le cadre pour la suite des événements:

Mon corres Serge viendra en Allemagne du 6 au 15 février.

Mi-mars, je partirai deux semaines en Bretagne avec ma tante, qui aura alors 59 ans. C’est une sorte de cadeau d’anniversaire pour mes dix-huit ans (et il est évident pour moi qu’on va passer par Sucy pour voir Florent au début de ce voyage).

Or, l’esclandre avec Serge pendant son séjour en Allemagne est pour ainsi dire le début d’une chaîne de catastrophes. Aujourd’hui, je m’étonne de la rigidité avec laquelle je pousse ce conflit à son paroxysme, et aussi de l’exhaustivité de mes descriptions dans le journal et dans une lettre à Florent que j’écris quelques jours plus tard. Mais à l’époque, cela me semble assez logique. Je passe ici délibérément sous silence le contenu de la dispute, car il n’est pas déterminant pour la suite.

Le 1er mars, je reçois une lettre très froide de la mère qui dit à peu près ceci : « Le séjour de Serge ne s’étant pas passé favorablement, j’annule mon invitation à nous rendre visite en mars. »

Pendant les deux semaines qui suivent, jusqu’à mon départ pour la Bretagne, je m’occupe exclusivement de rétablir le contact avec Florent, contre ses parents. J’essaie surtout d’obtenir un numéro de téléphone de cet ami de Florent dont je sais qu’il est surveillant au lycée. Comme il n’y a pas encore d’Internet en 1986, il faut pour cela faire appel à différentes personnes, notamment Mme Borelle qui a organisé l’échange du côté français. En effet, j’arrive à joindre le surveillant au bout de quelques jours, mais il n’a lui-même aucun contact avec Florent à ce moment-là, car Florent a des conflits assez massifs avec ses parents.

Parallèlement à mes efforts pour obtenir le numéro de téléphone, j’appelle moi-même la famille à plusieurs reprises pour éventuellement obtenir Florent au téléphone. Cela conduit à une série de situations pénibles, soit avec la mère, soit avec le père, au sujet desquelles je note le 4 mars dans mon journal : « Ces conversations téléphoniques ne sont-elles pas à elles seules quelque chose de complètement fou et bizarre ? »

Dans mon propre entourage, certaines personnes participent à mes efforts en tant qu’observateurs, mais elles ne comprennent pas parce que je ne peux pas leur expliquer les raisons de cette intensité. Je commente ainsi le 9 mars : « Les uns essaient de me dissuader de mes espoirs de réussite, les autres se demandent pourquoi je fais tant d’efforts pour ce Florent. »

 

Onzième chapitre

Le 16 mars 1986

Le matin du 16 mars, j’arrive à Paris par le train de nuit, en compagnie de ma tante. Nous allons à Sucy-en-Brie, prenons une chambre à l’hôtel Le Petit Val (le bistro existe encore aujourd’hui), et ma tante passera cette journée à faire du tourisme dans Paris. C’est un dimanche et en même temps le jour des élections législatives en France.

Comme je n’ai pas réussi à établir le contact avec Florent avant le voyage, je me suis promis de trouver son lieu de travail aujourd’hui pour établir un lien de communication à part de la famille.

Et puis, je me promène en fait dans Sucy, demandant à toute une série de personnes dans la rue si elles connaissent un établissement où l’on pourrait travailler comme animateur avec des enfants. Autrement dit, j’explique mon problème et ma demande, et les gens se montrent tous, sans exception, compréhensifs et serviables. Mais quand même, cette méthode n’est pas efficace. Ce n’est que par hasard que je trouve enfin, sans aide extérieure, cette école maternelle (proche du C.E.S.) où Florent travaillait jusqu’a récemment. Ce dimanche, elle est ouverte comme bureau de vote et le concierge est ici la personne qui connaît Florent. Il m’envoie ensuite au Centre aéré du Parc omnisports, où Florent est censé travailler le mercredi, mais je n’y rencontre évidemment personne à qui parler.

En fin d’après-midi, après avoir fait plusieurs fois le tour de Sucy, je me rends à Boissy-Saint-Léger pour rencontrer Madame Borelle, que je retrouve également dans un bureau de vote, car elle est engagée au PS. Elle a du moins un peu de compassion pour moi, car elle connaît déjà l’histoire et sait évaluer le comportement des parents. Et c’est elle qui me donne alors le conseil décisif que je me rappelle jusqu’à nos jours dans certaines situations de la vie : peut-être, dit-elle, devrais-je malgré tout aller directement chez les gens et essayer de rencontrer Florent. Car même si les parents me mettaient à la porte avec scandal, ce ne serait rien de plus qu’une situation pénible.

Et c’est effectivement ce que je fais. Je retourne à Sucy et monte encore une fois au C.E.S. Car l’appartement de la famille, où j’ai fait la connaissance de Florent, est situé dans une annexe de l’école, un immeuble de trois étages ; le père travaille à l’administration du C.E.S.

La suite de la description peut être extraite directement de mon journal (entrée du 18 mars):
« C’était un peu comme dans un film policier. Il y avait de la lumière chez Florent, mais aussi dans la cuisine et dans le salon. Pendant quelques minutes, j’ai hésité, tout en grattant un peu le chien qui traînait là sur le parking, le plus gentil de tous les chiens français. Jusque-là, j’étais parfaitement cool : à chaque action ratée, on gagne en détermination audacieuse. Ce n’est que lorsque j’ai monté les escaliers que la nervosité s’est emparée de moi, si bien que j’ai dû être assez pâle. La mère m’a ouvert la porte, mais juste derrière elle, Florent est apparu. Elle m’a regardé d’un air terne et hostile, et a dit à Florent : Eh bien, tu sors. Une fois qu’il fut sorti, elle ferma à clé de l’intérieur.
C’était un peu incroyable, comme dans un rêve, de le rencontrer si soudainement et, après trois semaines d’efforts intensifs, à la dernière minute. Il n’était rentré des Alpes que le matin même, le visage complètement bronzé. »


« Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige. »

(Le Petit Prince, chapitre XXVI)


Je suis « assez pâle » , mais j’ai gagné le jeu pour l’instant, par la force de l’action et par le hasard d’un conseil assez simple que j’ai reçu (et dont j’avais apparemment besoin). Et je remarque immédiatement la beauté du visage bronzé. Pourtant, je ne pense même pas à prendre Florent dans mes bras, comme je le ferais aujourd’hui, parce que – – parce que cela semble interdit ou plutôt hors de mon répertoire.

Florent n’aura d’ailleurs pas été très surpris de mon apparition ce soir-là. Il était passé l’après-midi, un peu par hasard et avec deux amis, sur l’école maternelle, et on lui avait dit que quelqu’un avec un accent allemand le cherchait. Par conséquence, les trois ont fait le tour de Sucy en voiture et m’ont cherché : au Centre aéré, un peu partout, enfin à la gare en pensant que je rentrais à Paris. On s’est cherché l’un l’autre, mais cela n’a pas tout à fait suffi pour se trouver – presque une métaphore.

Nous passons environ deux heures ensemble ce soir-là : d’abord en nous promenant, puis dans la chambre d’hôtel où Florent rejoint ma tante – elle restera la seule personne de ma famille à l’avoir rencontré personnellement. Je raconte à Florent les efforts que j’ai faits pour le contacter ces dernières semaines. Il n’a pas reçu ma longue lettre qui a certainement été interceptée par ses parents. Mais j’ai le brouillon sur moi, c’est pourquoi Florent peut maintenant le lire.

Les projets pour l’été ont changé entre-temps : Florent va partir pour une longue période en Haute-Savoie (pour garder des chèvres), et le voyage en Norvège que nous avions envisagé n’aura pas lieu. Je pourrais lui rendre visite dans les Alpes, dit-il. De plus, il pourrait encore passer une semaine chez moi en Allemagne avant.

Et bien que nous sachions que mes lettres seront interceptées par sa famille, nous faisons l’erreur ce soir-là de ne pas convenir d’une adresse de contact alternative (comme celle de son « meilleur ami » par exemple). Vu d’aujourd’hui, cela semble incompréhensible. C’est comme si le succès de mes efforts et de notre rencontre était si évident que je n’avais pas à me soucier des risques futurs. Et Florent lui-même ne pense peut-être pas du tout en termes de prévoyance et d’engagement, tout comme il avait perdu mon adresse postale entre-temps et n’aurait pas pu me contacter de sa propre initiative. D’un point de vue logistique, nous avons tous les deux dix-huit ans – nous sommes apparemment trop jeunes et trop négligents pour faire le nécessaire.

 

Douxième chapitre

Une lettre de Florent. Et une disparition.

Le lendemain, je pars avec ma tante en Bretagne ; c’est de là que proviennent les photos dans ce récit qui me montrent avec une écharpe bleue et un pull tricoté par mes soins. Le 2 avril, je serai de retour en Allemagne. Et là, malheureusement, la chaîne des erreurs logiques et des erreurs de communication se poursuit.

Le 11 avril, je reçois une lettre assez chaleureuse de Florent. Il y décrit son désir de laisser Paris derrière lui. Cela occupe une grande partie du texte. Il ajoute qu’il espère que je comprenne ses mots, mais probablement que oui, dit-il, car je suis doué, et en plus Saint-Exupéry a écrit : « L’essentiel est invisible pour les yeux, ce qui est important ne se voit bien qu’avec le cœur. »

À la fin de la lettre se trouve un post-scriptum, disant que, pour venir en Allemagne, ce serait plus facile à partir du 4 mai; et il corrige de nouveau et remplace le 4 mai par le 20 avril. Ce post-scriptum aurait pu m’indiquer que ses projets pour l’été sont sujets à des changements continus et que son départ pour les Alpes, prévu pour juin, a probablement été avancé. Mais apparemment, je n’ai pas compris cela lorsque je l’ai lu.

De nouveau, cette lettre ne contient pas d’adresse de remplacement. Au lieu de chercher un autre moyen de communication, par exemple d’appeler l’ami de Florent, le surveillant, j’écris une lettre de réponse assez compliquée et je l’envoie à l’adresse de la famille. J’y propose la période du 11 au 25 mai pour sa visite, malgré le post-scriptum. Et puis j’attends, même si la probabilité que Florent reçoive cette lettre est assez faible.

Comme je suis toujours d’avis que Florent ne partira qu’en juin pour les Alpes, j’attends clairement trop longtemps et je n’appelle l’ami de Florent que le 26 avril. Apprendre de lui que Florent partira déjà vers le 10 ou 15 mai me surprend totalement. Dans les derniers jours d’avril, il se produit la situation que cet ami, le surveillant, a en fait parlé avec Florent – Florent sait donc que j’attends son appel –, mais il ne se passe rien. Florent ne m’appelle pas. Il se peut aussi, me dit son ami, qu’il n’ait pas envie.

Ce qui s’est passé exactement, reste inconnu pour moi. En 2025, je suis dans le rôle d’un historien qui a le choix de se casser la tête ou non. Si Florent n’a pas reçu ma lettre de réponse, il pouvait très bien avoir l’impression que je n’avais pas du tout réagi à sa lettre. Et fin avril, il est trop tard. De ce point de vue, il est peut-être même compréhensible qu’il n’ait pas envie de m’appeler. Mais je n’ai compris cela qu’en relisant sa lettre, avec son post-scriptum, en mai 2025. Et si, au contraire, Florent avait reçu ma lettre de réponse (ce qui est peu probable), il y aurait peut-être trouvé quelques signaux involontaires qui auraient pu l’inciter à renoncer au voyage prévu en Allemagne.

En tout cas, les deux personnages principaux commettent des erreurs de communication, et des tiers se comportent soit de manière obstructive, soit de manière trop désengagée pour compenser ces erreurs. Dans les conditions d’une communication analogique, cette constellation aboutit à un échec total – certes contingent, mais en tout cas réel. Il fait mal de regarder cela.

En dehors de cette considération du déroulement concret des événements, il vaut la peine de réfléchir à l’asymétrie de la situation psychique : Florent est sur le point de laisser derrière lui sa vie d’avant, de couper les ponts derrière lui. Moi, par contre, je suis amoureux, et je le suis pour des raisons spécifiques : Florent est très exactement l’ami dont j’ai besoin. Sa disparition est une catastrophe – pour moi et pour moi seul.

Aujourd’hui encore, quarante ans plus tard, c’est un sentiment étrange de tenir en main la lettre réelle de Florent et de se souvenir en même temps de l’ambiance de ces jours de fin avril et début mai 1986. Ainsi, sa lettre se présente comme un objet archéologique sauvé d’une apocalypse, témoin d’une réalité disparue.

(à suivre)

Norbert Richter
norbert-axel-richter@web.de

Dernière révision: 14.07.2025

 

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